Le Tombeau de la Négresse

Après que nous eut fui le grand vent des hivers, Aux derniers ciels pâlis de mars, nous la menâmes Dans le hallier funèbre aux odeurs de cinnames, Où germaient les soupçons de nouveaux plants rouverts. De hauts rameaux étaient criblés d'oiseaux divers Et de tristes soupirs gonflaient leurs jeunes âmes. Au limon moite et brut où nous la retournâmes, Que l'Africaine dorme en paix dans les mois verts! Le sol pieusement recouvrira ses planches; Et le bon bengali, dans son château de branches, Pleurera sur maints thèmes un peu de ses vingt ans. Peut-être, revenus en un lointain printemps, Verrons-nous, de son coeur, dans les buissons latens, Éclore un grand lys noir entre des roses blanches. [Extrait de Vespérales funèbres]

 Nocturne numéro 19 en E mineur, Op 72, no 1 de Chopin