La Chanson de l'Ouvrière

Les heurs crèvent comme une bombe; A l'espoir notre jour qui tombe Se mêle avec le confiant. Pique aiguille ! assez piqué, piquant ! Les heurs crèvent comme une bombe. Ici-bas tout geint, casse ou pleure ; Rien de possible ne demeure A ce qui demeurait avant. Pique aiguille ! assez piqué, piquant ! Ici-bas tout geint, casse ou pleure. Je suis lasse de cette vie, Je veux dormir, ô bonne amie, Laisse-moi reposer, assez ! Non, pique aiguille ! assez piquant, piqué ! Je suis lasse de cette vie. Hâve par ma forte journée Je blasphème ma destinée, Feuille livide au mauvais vent ; Un peu de sang sur mes doigts coule, L'heure râle, pleure et s'écoule. Ah ! mon pain me rend suffocant. N'importe, pique aiguille ! piqué, piquant ! L'heure râle, pleure et s'écoule. Pourquoi donc Dieu me rend-il malheureuse ? Je suis très pauvre et je vis presque en gueuse. Hélas ! la peine est un fardeau pesant. N'importe, pique aiguille ! piqué, piquant ! Pourquoi donc Dieu me rend-il malheureuse ? Tout dans l'abandon je le passe Mon gagne-pain passe et repasse Dans un seul même tournement. N'importe, pique aiguille ! piqué, piquant ! Tout dans l'abandon je le passe. [Extrait de Premiers Poèmes]